Terre de personne
La pitié sent
La terre mouillée
La tige humide, la racine pourrie.
Les fleurs sur le cadavre
Rétrécissent les pétales transis par le froid.
Le visage de cire dans le cercueil galonné
Sourit comme sourit un aveugle
Qui a la nausée.
Les invités épandent une tristesse enjouée.
Le défunt se refuse
A toute communication avec l' humanité
Qui lui est déjà tout à fait indifférente.
(Lui qui est mort "pour la cause" et reçoit les honneurs
funebres.)
Dans sa tour d' ivoire,
Sous le ciel absolu du paysage ravagé,
Lui règne, fier. ( Il y a des couronnes, des drapeaux dans
la salle.
Passant ! découvre-toi, ne ris pas,
Respecte la mort et sa mauvaise odeur de gloire.
PARAGE
Seul
Avec mes bœufs
Mes bœufs qui mugissent et mangent le sol,
Mes bœufs arrêtés,
Aux yeux immobiles.
Pleurant,
Regardant...
Le bœuf de ma solitude, Le bœuf de ma tristesse, Le bœuf de ma lassitude, Le bœuf de mon humiliation,
Et ce calme, ce joug, cettç obéissance.
voix d'un dieu
Montagne soumise,
Si je voulais je te déplacerais d'un souffle.
Mer, gémis dans ton cachot,
Subjuguée par ma parole.
Fragiles immeubles,
Je vous ferais comme les palais des nuages
Vous écrouler sans bruit.
Ma pensée ronge le monde,
Souffle la poussière dont est faite la réalité
Enfantée comme un fruit de la violence
De la force qu'a la douleur.
Mais à quoi bon détruire l'apparence ?
Où balayer la poussière de la vie ?
Si n'était la poussière des paroles
Qui pourrait deviner une pensée ?
— Il n'y aurait que le rêve parmi les décombres.
Il ne resterait qu'un cercle et moi au centre,
Plein de ma gloire, immense solitude.
l'assassinée
Quand j'ai su que tu étais morte j'accourus
à ton secours
afin de rester près de toi et ne jamais t'abandonner
j'ai trépigné dans la boue
j'ai marché sur les flammes
traversé l'Enfer
parce que je savais qu
e tu étais là
et je te rencontrai
tombée sans forces
mais je t'ai vue quand même
et me sentis heureux près de toi
et me couchai sans peur
et demeurai heureux faisant le mort.
L´IVROGNE
L'ivrogne marche
Quels manteaux traîne-t-il ?
A quel saint ressemble-t-il ?
Gaspar, Melchior, Balthazar ?
Ce n'est pas un miséreux
Cela se voit à son allure
et l'étrangeté du regard.
L'ivrogne marche.
Quel roi soûl sera-t-il ?
IMAGE
Une chose blanche
voilà mon désir
une chose blanche
de chair et de lumière
peut-être une pierre
peut-être un front
une chose blanche
douce et profonde
dans la nuit énorme
froide et sans Dieu.
Une chose blanche
voilà mon désir
que je veux embrasser
que je veux serrer.
Une chose blanche
où je me blottis
où je plonge mon visage.
Peut-être un sein
peut-être un ventre
peut-être un bras
où je me repose.
Voilà mon désir
Une chose blanche
tout près de moi
afin que je la sente
afin que j'oublie
dans la nuit énorme
froide et sans Dieu.
fi ф fi
[ Da antologia “La poésie brésiliènne”, com organização e tradução de A. D. Tavares-Bastos, premiada em 1954 pela Academia Francesa. A 1a. edição francesa foi lançada por Editions Seghers, em Paris, em 1966.]