LES MOTS
Poème d’Antonio Miranda
traduit par Oleg Almeida
Ilustração de Azalea Quiñones (Venezuela)
à Victor Alegria
« ... les mots n’ont pas commencé abstraits, mais concrets »
J. L. Borges
Les mots pullulent, sautillent,
libres de toute attache.
Ils sont vifs :
sons, mouvements, sentiments.
Sinon, faits de lettres,
ils se pétrifieraient,
deviendraient des architectures banales.
Ils ne sont pas représentatifs :
ils existent,
ils sont au-delà
(ou plutôt, pour mieux dire)
au-deçà de leurs signifiés.
Libérés des dictionnaires
par les champs,
les fabriques, les lieux de leur origine,
ils sont originaires et nécessaires.
Ils ont un pouvoir souverain :
d’une part, nous pouvons conquérir le monde
(ou, du moins, le connaître)
avec leur appui ;
d’autre part, ils nous guident sur notre chemin
et nous donnent des ordres.
Les mots sont la mélodie
des choses nommables,
leurs formes multiples,
les sons que ces choses émettent.
On peut en attribuer à chacun
l’acception que l’on veut,
ou les emprisonner
dans ces œuvres subtiles qu’on tisse à la main.
Mais (heureusement)
ce n’est pas toujours
que les mots tendent vers la Raison :
ils conduisent à l’imaginaire,
dévoilant la beauté de leur condition.
Les ondes équilibrent le mouvement
de la mer marbrée dans les mots.
On pourrait bien en faire
des textes intelligibles
ou les casser et les remonter
sur une surface
limitante et froide.
Et pourtant, les mots seraient libres,
vivifiés
par leur esprit poétique.
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